Bourdieu et la démocratie délibérative, Lordon et l'autogestion, Chomsky et l'anarcho-syndicalisme, Chouard et les critiques des constitutions, Stilglitz et la crise de la démocratie...
On ne compte plus les exemples d'intellectuels qui prônent un "quelque chose" qui tend vers des caractéristiques communes. Un esprit qui s'incarne chez les Indignés ou chez les membres Occupy,
comme dans ces nouvelles formes de révoltes sans leadership qui se répandent de par le monde.
Cet esprit est parfois appelé : "l'horizontalité". Un concept indéfini que chacun semble vouloir s'approprier. Qualifié de "démocratie directe", "d'anarchisme", "de communisme"
parfois ! Ou encore de "réelle democratie".
Toutefois, l'analyse rigoureuse de ce qui tend vers cet esprit démontre que l'horizontalité est autre chose que les visions les plus communes de ces différents concepts, bien qu'on puisse
légitimement l'y rattacher.
Le livre "L'espoir horizontal" en accès libre sur internet décrit notre société, ses problématiques, mais surtout une alternative de société basée sur ce qui tend vers cet esprit au travers du
monde. Il se veut pouvoir nous rassembler au sein d'un espoir réel et concret.
Il n'est pas évident pour un auteur d'avoir à faire lui même la promotion de son livre. Mais la volonté de garder ce livre accessible à tous m'a poussé à refuser le champ classique de l'édition
qui n'a pas voulu accepter de laisser le livre en accès libre sur internet, tout en éditant celui-ci en version papier.
J'ai l'espoir que la critique se portera davantage sur le fond, que sur la forme, qui au final a voulu incarner cet esprit qui importe à beaucoup d'entre nous : "L'autogestion".
"Tous ceux qui voulaient parler le faisaient. C’était la démocratie sous sa forme la plus pure. Il pouvait y avoir des différences hiérarchiques entre ceux qui parlaient, mais chacun était
écouté, chef et sujet, guerrier et sorcier, boutiquier et agriculteur, propriétaire et ouvrier. Les gens parlaient sans être interrompus et les réunions duraient des heures. Le gouvernement
avait pour fondement la liberté d’expression. … Les réunions duraient jusqu’à ce qu’on soit arrivé à une sorte de consensus. Elles ne pouvaient se terminer qu’avec l’unanimité ou pas du tout.
Cependant, l’unanimité pouvait consister à ne pas être d’accord et à attendre un moment plus propice pour proposer une solution. La démocratie signifiait qu’on devait écouter tous les hommes,
et qu’on devait prendre une décision ensemble en tant que peuple. La règle de majorité était une notion étrangère. Une minorité ne devait pas être écrasée par une majorité" (Nelson Mandela,
dans son autobiographie, parlant des réunions tribales de la société Thembu).
Lorsque l'on mentionne cette idée de décider par nous même de ce qui nous concerne, toutes sortes d'oppositions apparaissent :
- C'est impossible en trop grand nombre
- Ça prendrait trop de temps
-
Ça laisse un pouvoir décisionnel aux ‘incompétents’
-
La nature humaine est trop individualiste, et chacun campera sur la position qui l'avantage le plus.
-
Les peuples ne sont pas "prêts"
-
Voir humblement : « je ne saurais pas prendre des bonnes décisions de gestion collective ! » (l’argument « je n’en ai pas envie » n’est pas objet de
discussion, puisque personne n’y est obligé)
-
Etc.
En réalité, il semble que ces éléments nous viennent d'idées préconçues basées sur des postulats erronés.
Par exemple, c'est Karl Marx qui a décrit l'être humain comme un exploitant, devenu homme au moment où le singe à commencé à utiliser un outil, et qui exploitera son prochain dès qu'il en aura
l'opportunité.
Nous avons pourtant des contre exemples d'individus qui donnent ce qu'ils ont, et qui bien au contraire vont plutôt aider ceux qui sont plus en difficultés, et certainement pas les exploiter.
Ainsi, les causes d'un certain individualisme n'ont pas été étudiées. Sommes nous condamnés à être des individualistes politiques quelque soit l'environnement dans lequel nous évoluons ?
Mais Karl Marx a aussi avec un grand talent décrit en quoi les mécanismes de notre système nous condamnent à une concentration des richesses.
Une concentration des richesses face à laquelle nous ne pouvons plus "réguler l'économie", notamment en raison d'une finance qui a pris beaucoup trop de pouvoir sur le champ politique lui même,
comme nous l'explique Joseph Stilglitz.
Aux États-Unis, vu la corruption presque systémique du financement des campagnes et les vases communicants entre le gouvernement et le secteur privé, c’est la politique qui est façonnée par
l’argent, [...], Ce ne serait pas si grave si le concept des retombées économiques était un tant soit peu véridiques ; où tous bénéficieraient de l’enrichissement de strates supérieures.
Mais la plupart des Américains sont en ce moment moins riches qu’avant ; leurs revenus réels (ajusté à l’inflation) étant inférieurs à ce qu’ils étaient en 1997, il y a quinze ans déjà.
Tous les bénéfices de la croissance ont été vers le haut.
Et puisque malgré que nos Etats soient plus riches, nous devenons plus pauvres, cela crée ce que l'on appelle en jargon économique "une baisse supplémentaire de la demande agrégée", c'est à dire
une boucle économique négative, qui entraînera nécessairement une diminution de la production, et une hausse du chômage.
Cette crise de la répartition de la richesse doit pour être résolue passer par une forme de régulation de l'économie, ou une remise en cause radicale de notre système.
Nous sommes nombreux à être conscients que les problématiques de dettes impayables, de crise sur les produits dérivés à venir, des menaces de troisième guerre mondiale. De la nécéssité de
remettre en cause le système bancaire. Mais bien souvent, nous sommes bloqués aussi sur le "comment" : comment réussir à changer les choses ?
Il semble que dans tous les cas de figure, il y a un pas commun : Retrouver le contrôle sur nos politiques afin qu'elles soient soucieuses du bien commun, et non de l'intérêt individuel
d'une petite partie d'entre nous.
Nous devons pouvoir décider de la répartition des gains collectifs, tout en laissant sa juste place et sa liberté à chaque individu.
Cet article ne pourra décrire et discuter en détail de l'ensemble des alternatives liées à la notion de "gouvernance" qui nous ont été proposées afin de créer une "meilleure démocratie".
Au lieu de cela, il semble préférable de mentionner quelques éléments moins discutés sur internet aujourd'hui, et totalement absents de nos médias.
Le souci d’une participation plus égalitaire à la délibération heurte frontalement la conception de l’égalité politique qui a jusqu’ici prévalu dans les démocraties, occidentales et qui a
présidé à l’émergence du suffrage universel. Il est d’ailleurs remarquable que la « démocratie des autres » que Sen (2005) détecte dans les traditions non occidentales, qualifiée de
« vision beaucoup plus large de la démocratie en terme de débat public », soit dépourvue de passion égalitaire. » (Urfalino, 2007)
Les origines non occidentales de la démocratie ont été discutées par nos ethnologues, et il semble que le mode de prise de décision qui a été beaucoup débattu chez les grecs mais également par la
suite, et qui nous a mené vers des propositions différentes pour décider ensembles ( le vote pondéré, par approbation, par approbation proportionnel, à préférences multiples ordonnées, Méthode
Black, Borda, Condorcet, Cooms, Schulze, Kememy-Young, Nanson, Dodgson, min-max de Smith, …), a totalement occulté une solution qui émerge de nouveau naturellement dans notre société aujourd'hui.
En effet, qu'il s'agisse de tribus de chasseurs-cueilleurs préhistoriques, ou de la palabre africaine, de nombreuses tribus d'indiens d'amériques, nomades, de villages auto-gérés scandinaves, et
d'une multide d'exemples, le mode de prise de décision le plus répandu dans l'histoire de l'humanité est ce que Philippe Urfalino a appelé : "décision par consensus apparent".
Ce mode de prise de décision est en réalité une décision plus communément appelée "décision au consentement de tous".
Cette manière de prendre collectivement des décisions, décrite en 1946 par Clyde Kluckhon et Dorothea Leughton pour les Indiens Navahos, semble bien avoir été le mode de décision le plus
répandu dans l’histoire des sociétés humaines.
L’ancienneté et la présence sur tous les continents de ce mode de décision dit tantôt « par consensus », tantôt « à l’unanimité », sont attestées par les travaux des
ethnologues et des historiens. C’est le seul mode de décision mentionné pour les sociétés de chasseurs cueilleurs (Baechler [1994], Silberbauer [1982]) ; il était également l’unique forme
de décision collective légitime dans les communautés villageoises en Kabylie (Mahé [2000]), en Afrique noire (Abélès [2003], Terray [1988]) et en Asie (Popkin [1979], Smith [1959]).
Un processus qu'on retrouve aussi bien dans les assemblées des indignés, que dans la sociocratie, et un ensemble de processus de management collaboratif. Il y a pour ainsi dire consensus que dans
un petit groupe c'est le mode de prise de décision le plus efficace, mais qu'il semble impossible à mettre en place dans un large groupe.
Mais la distinction entre consensus "classique" et consentement reste très floue dans l'esprit de la plupart de nos concitoyens.
L'un des élements particulièrement intéressant dans cette idée de faire la différence entre la préférence et l'objection, en incorporant les individus dans la mise en place de la proposition elle
même, plutôt que de simplement les faire choisir entre des propositions déjà construites que l'on en changera pas, est justement qu'on va pouvoir lié qualité et quantité dans la décision.
C'est à dire que la décision va gagner en qualité avec le nombre de participants. Le problème, c'est que cela peut prendre un certain temps et que certaines décisions doivent être prises
rapidement.
Ce qui nous amène à ce concept qu'est l'intelligence collective et qui veut comprendre les paramètres qui permettent la synergie entre les êtres humains. La synergie permet de toujours tirer "le
meilleur" de chacun.
De plus, pour citer Albert Einstein,
« Tout le monde est un génie, mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à monter à un arbre, il va passer toute sa vie à penser qu’il est stupide. »
Ce qui nous amène aux notions de "leadership du moment" et d'architecture vivante, ou polymorphe, comme l'a appelée J-F Noubel dans son livre "intelligence collective, révolution invisible".
Mais tous ces éléments s'effacent vite devant des idées préconcues une fois de plus :
"L'être humain a besoin d'un chef unique et omnipotent, sinon c'est le chaos !"
En réalité, nous avons créé le système pyramidal en particulier avec l'ère de la sédentarisation de masse. Pour une raison relativement simple : pour pouvoir prendre une bonne décision, il
faut avoir un minimum accès aux informations liées à cette décision.
Autrement dit, nous ne pouvons pas décider de quel coup jouer sans voir l'ensemble de l'échiquier de notre partie d'échec.
Hors dans le passé, un petit groupe pouvait partager suffisamment toutes les informations pour que chacun est un point de vue pertinent sur la décision à prendre, mais c'était totalement
impossible dans un grand groupe, ou dans une grande ville, et encore plus dans une large civilisation. Il fallait pour savoir ce qu'il convenait de faire "centraliser l'information".
On transmet les informations à un échelon supérieur, qui fait de même, jusqu'à arriver à une tête qui est la seule en réalité à pouvoir prendre la bonne décision pour une raison simple :
Elle est la seule à savoir à peu près tout ce qu'il se passe partout !
Et la question que l'on peut se poser lorsqu'on étudie en détails tous ces éléments c'est de savoir si, dans un monde où il est possible de partager l'information avec tous instantanément, le
système pyramidal est il encore le plus efficace ?
De façon générale, nos outils de communications représentent un levier qui changent nos modes de fonctionnement. Lorsque Gutemberg invente l'imprimerie, le savoir va sortir de la noblesse et du
clergé pour s'étendre sur d'autres classes de la société, notamment les marchands, et l'intelligence collective déployée va détruire les institutions du système féodal et nous mener vers un
développement extraordinaire de l'université, des sciences, etc.
Aujourd'hui, internet a déjà amené un changement profond : de la crise des consciences où l'on réalise davantage la réalité des décisions politiques, en passant par le monde opensource qui
remet en cause complètement même la notion de propriété telle que nous la conçevons, jusqu'à des révoltes populaires de masse autogérées qui réussissent là où notre modèles ont échoué.
Mais là encore, l'arrivée d'internet dans notre société nous limite souvent à une vision un peu simpliste d'une "démocratie directe" par internet. Et les critiques sur les constitutions
voudraient nous ramener parfois au "tirage au sort". Pourtant, aucune de ces propositions ne semble faire consensus, bien qu'elles semblent tout de même "moins pire" que l'existant.
Et si la solution était finalement en train d'émerger naturellement sans que l'on est besoin de l'inventer ? Peut être pourrions nous tout de même tâcher de mieux comprendre ce qui émerge,
pour pouvoir accélérer cette évolution et réduire le coût humain qu'implique le changement.
L'alternative proposée dans le livre "l'espoir horizontal" se base sur une équité décisionnelle entre chaque individu.
Le livre propose une alternative basée
sur 5 caractéristiques que l'on peut partager relativement aisément :
-
La recherche du consentement de tous : le fonctionnement le plus répandu de l’histoire de l’humanité qui est de très loin le plus efficace, et qui supprime individualisme politique et
l’exploitation.
-
Le besoin de rechercher un maximum d’holoptisme : cette transparence totale en temps réel, à minima, des informations liées aux décisions qui vous concernent, qui ne peut être écarté
d’une recherche du consentement de tous, et qui réduit considérablement toute corruption et toute manipulation.
-
Un système évolutif : car nous changeons, que le monde change, et que les générations futures n’ont pas à être limitées par notre vision d’aujourd’hui.
-
Une architecture vivante : qui permette à chacun d’aller aider et participer à divers endroits, de se forger des expériences multiples, et à une autorité naturelle de se mettre en place,
qui varie d’un individu à l’autre en fonction de ce que nous sommes en train de faire plutôt qu'une autorité figée.
- Une décentralisation : nécessaire pour que chacun reste maître de ce qui le concerne,et qu'il ait le dernier mot sur ce qui ne concerne pas les autres.
Le livre décrit les détails du comment et du pourquoi. En expliquant certains mécanismes fondamentaux de la décision au consentement de tous, et en répondant à ses problématiques.
Mais peut être plus important encore, il apporte des propositions de méthodes concrètes afin d'appliquer l'horizontalité, aussi bien entre soi et soi, qu'avec le groupe, et au sein d'une large
organisation, voire du monde. Ces méthodes permettent de rassembler beaucoup plus aisément les luttes et les mouvements. elles permettent de créer des réseaux plus puissants capable d'atteindre
leurs objectifs, même s'ils sont différents au final de l'alternative proposée.
A titre indicatif, contrairement à ce que l'on peut penser, il ne s'agit pas que tout le monde décide de tout.
Comme le disait Endenburg :
« Les décisions quotidiennes ne requiert pas de consentement car elles sont prises au sein de politiques déjà convenues par le cercle »
Autrement dit, nous pouvons décider de déléguer la décision tant que nous y consentons pour une durée déterminée.
La clé de notre avenir se pose sur la façon dont nous décidons les uns avec les autres, ainsi que dans la conscience que nos décisions d'aujourd'hui doivent savoir évoluer. Il n'existe pas de
réponse ultime valable jusqu'à la fin des temps. Il s'agit juste de savoir comment nous entendre et d'accepter d'apprendre de nos erreurs, en remettant en cause nos choix régulièrement.
Par exemple, écrire une constitution revient à demander : Qui écrit la constitution ? comment l'écrire ensembles ? Pendant combien de temps avant de décider ? Et
surtout : Pour combien de temps sera elle valable avant que les citoyens la revoit tous ensembles afin de l'améliorer.
La nécéssité de comprendre que nos décisions d'aujourd'hui ne sont pas celles de demain.
Il est extrêmement important que chacun puisse découvrir et étudier d'autres méthodes pour décider ensembles, tout comme il est très important de mettre en place un système réellement évolutif
pour notre société.
Il est possible de découvrir tous les détails et des informations supplémentaires sur ce qui est exprimé ici dans le livre "L'espoir horizontal" que vous pouvez télécharger gratuitement à cette
adresse : http://horizontality.org/download/183/
Le livre n'est pas tout à fait finalisé mais le manque de temps et de moyen oblige à le diffuser immédiatement. Les critiques sont plus que bienvenues, en espérant qu'un maximum de personnes
discutent le fond du document, plutôt que des idées préconçues à l'avance.
Avec l'espoir que nous puissions enfin nous rassembler
rami in agoravox
Les nouveaux colonisateurs
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disponible jusqu’au 06/05/2016 09h18
Ce reportage tient en un sigle et en six lettres : PNG-LNG… « Pi.ènn.dji / El.enn.dji » pour être juste, car c’est un sigle venu de la langue anglaise. Sa traduction française : « Papouasie-Nouvelle Guinée / Gaz Naturel Liquéfié ».
Young girl. Papua New Guinea (jeune femme - Papouasie Nouvelle-Guinée) © World Bank Photo Collection - 2012
Il y a du gaz, chez les Papous !!!
Et du gaz, le monde en redemande, surtout les Chinois, si nombreux. Plus les réserves de pétrole diminuent, plus le gaz a la cote. Aux Etats-Unis d’Amérique, on a compris l’urgence qu’il y avait à pomper les ressources gazières du sous-sol papouan-néoguinéen pour vendre cette manne aux pays de la région : à la Chine, bien sûr, mais aussi au Japon et aux Etats de l’Asie du sud-est. A Washington, on voit dans cette affaire (faut-il dire : « ce business » ?) un enjeu « stratégique ».
Depuis deux ans, la compagnie américaine Exxon Mobil arrose de billets verts la Papouasie-Nouvelle Guinée. Là-bas, ça sent le gazodollar à plein nez. Le projet PNG-LNG pèse 15 gros milliards de dollars U.S., autant dire de quoi bouleverser la vie des Papous, désorganiser leur société, faire imploser leurs traditions, encourager l’alcoolisme, la prostitution, la corruption… de quoi aussi faire accourir de l’étranger ceux qu’hypnotisent l’odeur du gaz et l’attrait de l’argent.
"Les nouveaux colonisateurs", un reportage de Céline Rouzet, réalisé avec le soutien financier du Centre Pulitzer et l'aide de Philippe Gigliotti, créateur de l'agence " Voyages en Papouasie".