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26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 14:52

 A propos du dernier livre de Etienne Klein.
On fait beaucoup d'hypothèses sur le monde à connaître, et pas assez sur la machine à connaître


Tout est affaire de décor
Changer de lit, changer de corps
A quoi bon puisque c'est encore
Façon de n'y comprendre rien
Inspiré de Louis Aragon

 

 

 

 

En exergue figure la conclusion que selon nous un lecteur prudent devrait tirer de la lecture de l'excellent livre de Etienne Klein, Discours sur l'origines de l'Univers (Flammarion 2010), faisant suite à trois ou quatre autres essais du même auteur portant sur la physique et la cosmologie, tout aussi excellents. L'ouvrage, très pédagogique, recense toutes les hypothèses présentées depuis l'Antiquité et singulièrement depuis quelques années pour essayer de comprendre les fondements du monde physique.

Très honnêtement, l'auteur avoue que ces hypothèses, faute de pouvoir être mises à l'épreuve de l'expérimentation instrumentale, ne répondent pas aux questions que la raison humaine prétend devoir se poser à propos de l'univers. Ceci ne signifie pas que nous suggérerions au lecteur de ne pas lire cet ouvrage ou d'autres analogues. Au contraire. Il faut le lire d'urgence, et s'en pénétrer. C'est seulement que nous nous demandons si une autre démarche, éventuellement parallèle, ne serait pas aujourd'hui indispensable ? En fait, nous pensons que cette autre démarche s'impose déjà d'elle-même, car elle découle de la marche inexorable de l'évolution. Un des mérites, peut-être involontaire, du livre, serait selon nous de la suggérer.

Qu'est-ce à dire ? Nous pensons pour notre part que la science progresserait plus vite si elle s'interrogeait, non pas sur les confins ultimes du monde extérieur, qu'elle ne peut observer et moins encore rationaliser, mais sur ses propres processus d'acquisition de connaissance. Mais cela ne signifierait pas en revenir aux croyances et aux mythologies, en une nième nouvelle démarche digne d'un adversaire de la rationalité scientifique.

Nous proposons seulement ici une réflexion s'appuyant sur ce que semblent illustrer les millions d'années d'évolution biologique au cours desquels les cerveaux des animaux leur ont permis de s'adapter à leur milieu et de s'y développer. On devra y ajouter aujourd'hui un nouveau domaine de réflexion, inspiré de la robotique dite elle aussi évolutionniste. Cette dernière montre comment des robots autonomes, plus particulièrement quand ils agissent en groupe, acquièrent ce que l'on nomme des cartes de leur monde suffisamment riches en connaissance pour qu'ils puissent y survivre. Ceux qui dans les décennies prochaines, bien avant les humains, arpenteront seuls les sols effrayants des planètes proches, en feront la démonstration, n'en doutons pas.

Les systèmes cognitifs

A partir de ces deux séries d'observations, relevant de la science expérimentale la plus classique, il est possible d'élaborer le concept de système cognitif (cognitive system en anglais) . Qu'est-ce qu'un système cognitif ? (cf. J.P. Baquiast, La robotique, J.P. Bayol, à paraître).

Nommons système cognitif un organisme biologique ou artificiel doté d'un corps aux frontières physiques bien définies lui permettant de se distinguer de son environnement. Ce corps communique avec l'extérieur par des organes sensoriels et par des membres, que la robotique préfère nommer des capteurs et des effecteurs, ou organes E/S (pour entrée-sortie). Il dispose par ailleurs d'un réseau interne de transmission, de traitement et de mémorisation des impulsions généralement électriques circulant entre les organes E/S. Dans les deux domaines de la biologie et de la robotique, on pourra utiliser pour désigner ce réseau le terme de système nerveux, ainsi que celui de cerveau pour représenter ce qui en constitue l'unité centrale.

Mais pourquoi parler de système cognitif ? Parce que le système nerveux et surtout le cerveau conservent et organisent la mémorisation symbolique des informations produites par les E/S au fur et à mesure que le corps interagit avec son environnement. Il n'existe rien de tel dans les organismes vivants qui se sont construits selon d'autres logiques, par exemple les végétaux, ni rien de tel non plus dans les machines électroniques plus simples, comme les calculateurs. Le système nerveux et le cerveau, que nous désignerons désormais par les termes de système nerveux central ou mémoire centrale (MC), reçoivent en permanence des informations provenant des E/S. La plupart de celles-ci disparaissent. La MC ne conserve que celles présentant une certaine régularité, un certain caractère répétitif. Nous les nommerons ici des contenus cognitifs ou connaissances puisque leur ensemble résume l'expérience de l'interaction avec le monde extérieur résultant de l'activité des organismes.

Le modèle informatique du processus d'acquisition de connaissances ainsi utilisé est bien connu. Il s'appelle « réseau de neurones formels ». On parle là de neurones parce que, globalement, dans le corps biologique, les architectures durables entre neurones s'organisent selon un processus voisin. Lorsqu'un organisme, qu'il soit biologique ou artificiel, interagit régulièrement avec une entité ou « objet » du monde extérieur, par exemple un animal ou un meuble, sa MC en construit une représentation symbolique. Nous parlerons aussi de connaissances ou de cognitions relatives à cet objet. Chaque cognition correspond (nous simplifions) à la moyenne des perceptions relatives à l'objet considéré. La MC accumule ainsi de nombreuses cognitions, puisque l'organisme interagit en permanence, dans le cours de son développement, avec un monde empli d'objets nombreux et complexes.

Dans cette première façon de se représenter les cognitions, il faut insister sur le fait qu'elles sont expérimentales ou à base d'expériences. Autrement dit, elles proviennent des interactions que l'organisme entretient avec son milieu, grâce à ses E/S. Elles ne proviennent pas de nulle part, contrairement à celles que parallèlement peut générer la MC travaillant en boucle sur elle-même. Dans ce dernier cas, la MC, système complexe en partie auto-entretenu, produit de nombreuses représentations fictives, n'ayant pas de liens directs avec l'extérieur et qui viennent en conflit avec celles venant de l'extérieur. Généralement, chez l'animal tout au moins, ces représentations fictives sont balayées par celles résultant de l'interaction avec le milieu. Ce sont seulement ces dernières qui sont conservées, parce qu'elles contribuent à la survie de l'organisme.

On peut donc dire que les cognitions issues de l'extérieur dressent, au sein de la MC de l'organisme, une représentation globale ou paysage symbolique du milieu ou de l'environnement. Il s'agit du milieu, non tel qu'il serait s'il était perçu par un tiers ou tel qu'il serait en soi, mais tel qu'il est perçu par l'organisme. Ceci n'est pas étonnant. L'organisme ne peut connaître son milieu qu'à travers les perceptions que lui en donnent ses E/S. C'est par conséquent le seul milieu susceptible de l'intéresser.

A quoi servent les cognitions ?

Elles servent d'abord à identifier et classer les E/S reçues par l'organisme. Les E/S qui correspondent à un objet déjà mémorisé servent à compléter ou modifier la cognition relative à cet objet. Le système apprend ainsi qu'un animal peut être plus ou moins agressif, qu'un obstacle peut être plus ou moins solide. Celles qui sont originales, c'est-à-dire qui correspondent à la perception d'un objet jamais rencontré jusqu'alors, sont mises en mémoire temporaire, avant d'être transformées en une cognition nouvelle si elles se répètent. Lorsqu'il reçoit une perception qu'il ne peut pas immédiatement rattacher à un objet déjà identifié, l'organisme doit lever le doute. Rester dans l'incertain pourrait être dangereux.

Pour ce faire, il fait appel à un processus d'une grande importance méthodologique : il formule des hypothèse selon une méthode que nous pouvons qualifier d'expérimentale. La perception se rattache-t-elle à une cognition déjà mémorisée et connue, ou non ? L'organisme met à l'épreuve les hypothèses formulées en réponse à cette question. Dans ce but il fait appel à de nouvelles opérations d'E/S. En fonction du résultat des expérimentations auxquelles il a procédé pour tester ces hypothèses, il en tire des déductions qui viennent compléter sa connaissance globale du monde. On parle de méthode hypothético-déductive. 1)

Rappelons que ce que nous venons de décrire concerne l'acquisition de connaissances par n'importe quel système cognitif biologique ou artificiel présentant les caractères que nous avons précisés en introduction. Mais plus ces systèmes cognitifs sont riches en termes de capacités des E/S et de la MC, plus le processus d'acquisition, de mise en forme puis de mémorisation des connaissances se perfectionne.

L'un des progrès ainsi enregistré au cours de l'évolution consiste en l'acquisition de la capacité d'évoquer le contenu de la connaissance par l'affectation d'un symbole ou étiquette permettant à la MC de le reconnaître et le manipuler sans délais. Il s'agit d'une technique indispensable à toute activité de gestion de données, consistant à « nommer », c'est-à-dire donner des noms spécifiques aux objets ou aux classes d'objets. Ce besoin de nommer apparaît particulièrement grand à l'occasion des échanges entre systèmes cognitifs. Il a suscité des solutions spontanées au sein des groupes d'animaux. Un cri ou une posture déterminée peuvent signaler spécifiquement tel danger. On constate que, dans l'acquisition de connaissances au sein de robots interagissant en groupe, des raccourcis identiques finissent par être sélectionnés.

Ainsi naissent les langages. Mais ceux-ci ne se bornent pas à faciliter la diffusion et la mise en réseau des connaissances acquises par les systèmes cognitifs. Ils comportent aussi des symboles ayant valeur d'ordres à faire ou ne pas faire telle ou telle action : par exemple se regrouper pour repousser un prédateur. Autrement dit, les contenus de connaissance acquis au cours de l'interaction des systèmes cognitifs avec leur environnement se traduisent très vite par des modifications de cet environnement. Les systèmes utilisent dans ce cas leurs organes d'E/S pour se construire des environnements plus favorables à leur survie. On peut employer le terme de « construction de niches ». On dit qu'il s'agit de processsus "constructifs" ou "constructivistes". Avec la prolifération de l'espèce humaine, le visage de la Terre tout entière a été transformé par de telles constructions.

Les systèmes cognitifs les plus récents dans l'histoire de l'évolution ne se sont pas seulement distingués par l'acquisition des langages. Ils ont aussi acquis des formes d'auto-observation relevant de ce l'on nomme la conscience. Les bons résultats au service de la survie découlant de la multiplication d'observations du monde extérieur à partir d'E/S de plus en plus perfectionnées ont provoqué l'amélioration des outils tournés vers l'observation de l'intérieur. Ceux-ci permettent aux systèmes cognitifs de se représenter eux-mêmes, autrement dit de devenir, au moins partiellement, auto-cogitifs.

Ils ont d'abord appris à utiliser plus efficacement les capteurs endogènes dont l'évolution les avait dotés afin de signaler certains états internes à risque et provoquer des actions régulatrices. Parallèlement, ils se sont trouvés équipés, sous la forme notamment des neurones associatifs du cortex, de capacités pour explorer et synthétiser ceux des contenus de leurs mémoires qui tout en provenant de l'extérieur modifient ou peuvent modifier la représentation de soi que le sujet s'est donnée en interne. Ils ont pu ainsi commencer – très marginalement encore il est vrai - à rassembler de façon cohérente toutes les connaissances pouvant leur permettre de compléter l'image endogène par une image exogène, c'est-à-dire de leur propre moi dans le monde global.

Ces images génèrent des informations utiles pour le pilotage coordonné de ce moi, dans le présent ou pour le futur. Les ensembles coordonnées d'informations et d'ordres en découlant contribuent à former ce que l'on nomme soit la conscience primaire, soit la conscience supérieure. Dans ce dernier cas, le système génère des informations sur lui-même et son environnement qui constituent à elles seules un monde global virtuel au sein duquel le moi apparaît comme une sorte d'avatar. Il s'agit alors de paysages et situations sans rapports immédiats avec l'environnement ou le moi réel., permettant donc de se détacher de la contrainte du présent.

La conscience supérieure ne se manifeste dans le règne animal, en dehors des humains, que par courts instants. Les roboticiens espèrent par contre que les robots de demain pourront s'en doter spontanément. Il va de soi que les contenus de connaissances relatifs à la vision que les systèmes cognitifs ont d'eux-mêmes, c'est-à-dire les contenus de conscience, sont tout autant sinon davantage sujets aux erreurs que les contenus de connaissance relatifs au monde extérieur. Dans tous les cas, les organes d'E/S sont potentiellement faillibles. Nous en dirons un mot en fin d'article.

Les contenus de connaissance acquis par les systèmes cognitifs n'ont d'intérêt pour la survie que s'ils reflètent le plus fidèlement possible le monde extérieur, avec ses avantages et ses risques. Ainsi il ne faut pas confondre un fruit comestible avec un fruit empoisonné, ni dans le cas d'un robot un pied de table fixé au sol avec le pied d'une petite chaise susceptible d'être déplacé. Les systèmes cognitifs ont donc développé de nombreuses stratégies leur permettant de mettre à l'épreuve ce que l'on pourra nommer la vérité de leurs connaissances. La plus efficace aujourd'hui est considérée, au niveau collectif, comme relevant de la démarche scientifique expérimentale déjà nommée, dont les résultats sont désormais publiés au sein de réseaux mondialisés. Les animaux, sans atteindre un tel niveau de sophistication, avaient depuis fort longtemps engagées des procédures de même nature, dans le cadre de ce que l'on pourrait nommer des comportements préscientifiques empiriques. Il n'est pas impossible que les robots les plus performants du futur s'inscrivent eux-aussi spontanément dans les réseaux de connaissance. Ils y apporteront leur propres points de vue sur eux-mêmes et sur le monde, y compris sur les humains. .

Les limites de la « vérité »

La science expérimentale permet ainsi aux systèmes cognitifs de délivrer ce que l'on pourrait appeler des certificats de vérité ou de véracité s'appliquant à leurs connaissances relatives au monde extérieur. Il est ainsi décrété vrai que tel aliment est mortel et tel autre innoffensif, au vu des nombreuses expériences ayant permis de fonder ces affirmations. Mais on voit le risque attaché à une telle recherche utilitaire de la vérité. Le langage prendra l'habitude de confondre une vérité pour soi (pour tel système cognitif, dans telles conditions) avec une vérité en soi ou absolue, pour tout le monde, tout le temps et partout. En amont, le même risque s'attache au fait même de nommer les objets. Il s'agit de ce que la physicienne Mioara Mugur Schächter a nommé le piège du Réalisme 2). Si le système identifie en les regroupant dans une classe unique, intitulée l'arbre, un certain nombre d'arbres différents dotés de noms spécifiques, il sera tentant d'imaginer par commodité que le terme d'arbre renvoie à un être en soi, existant lui aussi dans le monde, d'une façon non immédiatement accessible à l'expérience, mais néanmoins susceptible de faire l'objet, soit de réflexions philosophiques, soit de constructions mythologiques. L'arbre sera devenu une Réalité dans le monde de l'essentialisme.

Plus généralement, comme nous l'avons indiqué plus haut, l'expérience montre que les systèmes cognitifs dotés de MC fécondes, autrement dit de cerveaux particulièrement riches et productifs, génèrent par une sorte de turbulence auto-activée des représentations du monde de plus en plus éloignées des acquis de l'expérience. On parle d'imaginaires, religieux, poétiques ou fantasmatiques. Ceux-ci peuvent entraîner des bénéfices pour la survie, pousser par exemple à explorer de nouveaux territoires dans le monde physique ou mental. Mais ils peuvent aussi générer des conduites à risques, se traduisant par ce que l'on nommera pour simplifier le déni de réalité.

Les outils sensoriels utilisés dans la pratique expérimentale courante servent souvent de prétextes à la construction de mondes imaginaires. Or on ne peut voir que ce que les yeux peuvent voir, au terme d'une longue évolution orientée par les besoins utilitaires de la survie. Il en est de même des autres organes d'E/S. Les prothèses artificielles accroissent considérablement la portée des organes naturels, mais elles-mêmes atteignent très vite leurs limites, face à l'infiniment grand ou l'infiniment petit. Il faut se méfier également des aberrations qu'elles peuvent provoquer, du fait de vices de construction ou de mauvais mode d'emploi, l'interprétation l'emportant alors sur l'observation factuelle : on croit voir ce que l'on a inconsciemment envie de voir 3). Les aberrations collectives sont aussi nombreuses et persistantes que celles imputables à des observateurs individuels. Dans ces cas, particulièrement pernicieux, ce sont des mondes en grande partie crées par les fantasmes qui font l'objet des commentaires des savants.

Il en est de même des cerveaux. Aussi souples et adaptatifs soient-ils, ils ne peuvent se représenter des situations ou des entités que le monde biologique n'a jamais eu l'occasion de rencontrer. Si par hasard ils se trouvaient confrontés à des mondes véritablement différents du nôtre, leurs spécificités de construction les empêcheraient de remarquer des objets qui pourtant mériteraient leur intérêt, au regard d'une recherche optimisée de nos meilleures chances de survie.

La même réserve doit être faite à propos des mathématiques. On croit généralement qu'elles peuvent permettre au cerveau de s'affranchir des réalités immédiates pour concevoir et modéliser des univers totalement à l'écart des observations expérimentales, bien que néanmoins susceptibles d'exister. Mais à la suite de quelles expériences vitales les cerveaux humains auraient-ils acquis la capacité de le faire ? Les mathématiques, même les plus élaborées, restent encore empreintes des limites ayant marqué les premières opérations de dénombrement et de mesure dans le monde animal.Elles sont liées aux architectures neuronales sélectionnées par l'évolution pour permettre leur reproduction. Les outils mathématiques sont très utiles pour préciser ou simplifier les relations entre les contenus cognitifs et un monde extérieur complexe, ainsi que les discours s'y rapportant. Mais lorsqu'ils traitent d'autres phénomènes que ceux accessibles à l'expérience, pourquoi leur attribuer plus de fiabilité qu'à la simple imagination poétique.

Mieux comprendre un jour les mystères de la physique ?

Cependant, pour ouvrir une petite fenètre sur l'avenir, pourquoi ne pas penser que, à la suite d'on ne sait quelle mutation survenue dans les bases neurales de la cognition, les cerveaux humains ne puissent un jour se représenter et comprendre ce qui reste encore pour eux des mystères, entre autres les domaines situés aux limites de la physique expérimentale. Peut-être aussi verra-t-on des prothèses artificielles logiques enrichir les capacités des cerveaux biologiques, à l'occasion de l'apparition d'humains augmentés dits post-humains.

Alors les physiciens qui, actuellement confessent fort honnêtement leur ignorance devant la question des origines de l'univers ou de ce que dissimule le monde infra-quantique (si l'on peut employer cette expression), pourront-peut-être comprendre et expliquer beaucoup de ce qui demeure des mystères pour la science. Mais pour le moment, les systèmes cognitifs auxquels nous appartenons, mêlant étroitement le biologique et le technologique, ceux que je nomme pour ma part des systèmes anthropotechniques 4), sont loin d'en être là. Mieux vaudrait en ce cas qu'ils ne perdent pas trop de temps à construire des équations risquant de rester à jamais de simples jeux d'esprit. Sans ces équations, dira-t-on, disparaîtraient les incitations à faire davantage de recherches expérimentales. Espérons-le.

Mieux vaudrait cependant, comme nous le recommandons en introduction, chercher à mieux comprendre ce qu'est et ce que pourrait devenir un objet immédiatement ou médiatement à portée de nos instruments d'observation, le cerveau humain aux cent milliards de neurones et au nombre infiniment plus grand de connexions synaptiques potentielles. Selon le professeur Stephen Smith de Stanford, il existe en effet 125 trillions de synapses dans le seul cortex cérébral humain, soit le nombre d'étoiles que comptent 1.500 galaxies comparables à la nôtre. Le cerveau est donc un objet de l'univers, équivalent en complexité à ces 1.500 galaxies. Pourquoi, après avoir acquis, par mutation ou autrement, quelques connexions internes supplémentaires, cet objet ne pourrait-il pas mieux comprendre, de l'intérieur, et au même titre que sa propre logique, la logique de l'univers ?

Rappelons cependant, pour réfréner d'éventuels enthousiasmes suscités par ces perspectives, que les propos que nous avons tenus ici concernant les systèmes cognitifs ne proviennent pas d'un observateur devenu par miracle capable de se situer au dessus du monde de l'expérience. Ils proviennent eux-aussi d'un système cognitif. Celui-ci tente de se représenter lui-même à lui-même, mais il est contraint ce faisant par des limites de fait auxquelles il ne peut échapper, bien qu'ayant une certaine conscience de leur existence.

Notes
1) Sur tout ceci, voir Christopher D. Frith Making up the mind - How Brain Creates our Mental World
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2007/juil/frith.html
2) Voir Miora Mugur-Schächter, notamment Sur le tissage des connaissances Hermès Lavoisier 2006
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2006/74/mms.htm
3) Voir Journal of neuroscience 8 décembre 2010 Expectation and Surprise Determine Neural Population Responses in the Ventral Visual Stream http://www.automatesintelligents.com/echanges/2010/dec/duke.html
4) Voir Baquiast Le paradoxe du sapiens J.P. Bayol, 2010
http://www.editions-bayol.com/pages/livres-titres/paradoxe.php

 

In AGORA VOX.

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 17:30

Un petit texte à lire et relire le soir ...

 

 

 

Une grande partie de la pensée moderne est une pensée de la crise, comme on le voit chez Baudelaire, Nietzsche et Heidegger, ou, plus près de nous, chez Hannah Arendt, Charles Taylor ou George Steiner. C’est donc une pensée de l’angoisse, là où la pensée chrétienne était une pensée de la déréliction de l’homme, et donc du salut, et la pensée antique une pensée de l’ordre du monde, et donc du bonheur.

Ce qui est en cause, c’est le sens même de l’existence humaine. Le silence des anciens absolus, l’effacement de la transcendance et la perte de tout repère ont abouti au nihilisme de l’époque postmoderne où tout se vaut parce que rien ne vaut rien. Les Anciens voyaient dans l’éternel retour le signe de la régénération du temps ; les Chrétiens attendaient la parousie qui dévoilerait la fin de la création. Privé d’éternité comme d’histoire, le temps des grands récits aboli, le monde contemporain se meut dans un temps vide qui ne mène nulle part ailleurs qu’au relativisme généralisé. En repensant les diverses orientations de l’éthique, il est peut-être possible aujourd’hui de penser au-delà du nihilisme.

 

 

CQFD:Certains à l'instar des traders shootés au kracht boursier sur le corps des démocraties agonisantes n'en tireront aucun intérêt ,bien entendu , d'une telle lecture.Car ,voyez vous,il importe pour celui qui passe que tu sois tombe ou trésor a dit un grand penseur dont je ne me rappelle plus le nom...

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  • L'archipélien
  • Le monde est dangereux non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire” Einstein.
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