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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 17:30
Les « Bric » peuvent-ils changer la façon dont tourne le monde ?

Un petit globe terrestre sur un porte-clef (Horia Varlan/Flickr)

Ils représentent 40% de la population du monde, 15% de son produit intérieur brut, mais surtout 50% de la croissance économique actuelle. Ce sont les Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), qui se sont réunis jeudi en sommet à Brasilia et qui sont unis sur au moins un objectif : casser le monopole occidental sur la gestion des affaires planétaires.

De fait, le premier à avoir pensé à réunir ces quatre pays n'est pas un stratège altermondialiste, mais une banque d'affaires, Goldman Sachs, qui, en 2003, conçoit l'acronyme et le concept de ces quatre économies émergentes qui méritaient que les investisseurs s'y intéressent.

Le concept a fait son chemin, au point que les quatre pays en question ont progressivement formalisé leur relation pour un faire un vrai club, passant de réunions régulières de ministres des Affaires étrangères à des sommets, le premier l'an dernier à Iekatrinenbourg, en Russie, et le deuxième cette semaine au Brésil.

 
Les BRIC
Brésil :
191 millions d'habitants
8,5 millions de km2
PIB : 1 500 milliards de dollars

 

Chine :
1,350 milliard d'habitants
9,6 millions de km2
PIB : 4 758 milliards de dollars

 

Inde :
1,156 milliard d'habitants
3,2 millions de km2
PIB : 1209 milliards de dollars

 

Russie :
141 millions d'habitants
17 millions de km2
PIB : 1 254 milliards de dollars

 

Qu'est-ce qui les rassemble ?

Ces quatre pays ont un point commun : fortement peuplés (Voir encadré), leurs économies connaissent une croissance robuste depuis au moins une décennie, plus forte que celle des pays industriels, et leur part de l'économie mondiale ne cesse de croître.

Leur caractéristique, c'est aussi d'avoir développé les relations commerciales entre eux, d'avoir fait décoller un commerce « Sud-Sud » jusque-là inexistant.

Ainsi, la Chine a supplanté les Etats-Unis comme premier partenaire commercial du Brésil, et est même en passe de devenir le deuxième partenaire de l'Amérique latine, devant l'Union européenne.

Mais ce qui les rassemble, surtout, c'est une volonté commune de casser l'hégémonie occidentale sur les leviers du monde. Ils ont déjà remporté un premier succès avec la création du G20 qui les a admis à la « table des grands », supplantant le G8 qui ne réunissait que les pays les plus industrialisés (plus la Russie, héritière de l'URSS).

Leurs discussions portent ainsi sur l'idée de faire émerger une monnaie de substitution au dollar ou au moins la possibilité de facturer leurs échanges bilatéraux en monnaie locale, sans passer par la devise de l'Oncle Sam. On en est encore loin, même si le yuan chinois s'impose progressivement dans la zone d'influence chinoise en Asie et pourrait en sortir.

Pour la première fois, ces pays « émergents » sont en mesure de prendre toute leur part dans la définition des règles du jeu international, au lieu de subir celles que décideraient les Occidentaux. Cette volonté apparaît, par exemple, dans le communiqué final de Brasilia, dans l'allusion du « processus de Doha », c'est-à-dire les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Avec la réunion de Brasilia, ils ont fait un pas supplémentaire en discutant du dossier nucléaire iranien, une manière de montrer qu'aucun sujet ne leur est tabou, même si leur capacité de médiation dans une affaire aussi délicate reste à prouver.

Qu'est-ce qui les divise ?

A la veille du sommet, un site russe, RIA-Novosti, s'est risqué, dans son édition française, à un jeu de mot : « Brasilia, un sommet de Bric et de broc » (comment dit-on en russe ? ). Pas étonnant que ce soit de Russie que soit venue cette touche d'ironie pour mettre en avant le manque de cohérence de ce nouveau club.

La Russie est en effet une ex-superpuissance qui se vivait autrefois à égalité avec les Etats-Unis, et vient de revivre un peu de ce statut de « Grand » lors de la signature du nouveau traité Start (réduction des armes stratégiques) avec Barack Obama.

Seuls les Etats-Unis et la Russie ont (encore) le potentiel de destruction nucléaire de la planète. Pour Moscou, les Bric sont un pis aller, un marche pied pour reconquérir une influence disparue avec l'URSS. Une ambiguité accentuée par le fait que la Russie a hérité du strapontin de l'URSS au G7 devenu G8.

De fait, les contradictions ne manquent pas au sein de ce quatuor, à commencer par leurs systèmes politiques : régime autoritaire de tradition communiste pour la Chine et post-communisme musclé en Russie, tandis que la Russie et l'Inde ont des présidents élus dans des scrutins pluralistes et disputés, des sociétés civiles fortes et une liberté d'expression totale.

Leur vision du monde n'est pas nécessairement la même et les grincements de dents entre eux sont légion. L'Inde continue de voir la Chine comme un ennemi potentiel et révise sa doctrine militaire pour pouvoir mener « deux conflits à la fois » (Pakistan ET Chine), tandis que les Brésiliens vivent mal la nature très « Nord-Sud » de leurs échanges avec la Chine (matières premières et produits agricoles contre biens manufacturés).

Les Bric ont néanmoins la capacité de susciter des coalitions ponctuelles, entre eux et élargies (la Turquie a ainsi été associée aux discussions de Brasilia sur l'Iran, l'Afrique du Sud en est l'extension africaine sur les questions économiques) sur des dossiers précis.

La fin du monopole occidental

De ce fait, les Bric ont d'ores-et-déjà changé la règle du jeu international en privant les Occidentaux, et singulièrement les Etats-Unis, de leur leadership exclusif sur la marche du monde. Mais cela ne suffit pas à changer le monde.

Il reste à prouver qu'au-delà de l'influence individuelle indéniable que chacun de ces Etats est en passe d'acquérir à mesure que son poids économique augmente, ils parviendront à forger une cohérence et une influence collective.

Et plus généralement, la question reste ouverte de savoir quel poids ils auront sur la marche du monde : leur ambition est-elle simplement d'être à la table du festin sans en changer la règle du jeu, ou sont-ils porteurs d'autres valeurs ? Ceux qui espéraient que l'affaiblissement américain cède la place à un « autre monde » risquent fort d'être déçus.

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  • L'archipélien
  • Le monde est dangereux non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire” Einstein.
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