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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 17:30

La France de l'avenant et courtois Raymond D., incarnation du caractère national, et de Thierry Henry, l'homme à la main d'or, a donc emporté de haute lutte le privilège d'organiser sur son sol l'Euro 2016 de football (faut-il préciser ?), le «troisième événement médiatique» sur la planète, après la Coupe du Monde (de football !) et les Jeux Olympiques (de tout et n'importe quoi). Au vu des performances économiques et financières des deux derniers pays du "Club Med" (célèbre marque de loisir née en France) ayant accueilli ces manifestations sportives, Grèce et Portugal, les agences internationales de notation devraient de toute urgence priver la République française de son triple A.

 


A défaut de Rafale au Brésil ou de centrales nucléaires à Abou Dhabi, Nicolas Sarkozy a enfin réussi à rapporter de l'étranger (la Suisse) un trophée dans sa besace de commis voyageur. Grâce, semble-t-il, à la complicité active du patron du football européen, Michel Platini, dont la presse turque, mauvaise joueuse, dénonce l'interférence dans le choix qui a vu Paris l'emporter sur Ankara.

Les Turcs ont tort. Demain, ils remercieront Allah (ou la main de Platini) de ne pas avoir à supporter le fardeau budgétaire de ces festivités. Il suffit de contempler le cadeau empoisonné laissé par Tony Blair à une Grande-Bretagne touché de plein fouet par la crise financière globale, avec l'organisation à Londres des JO de 2012 dont le budget explose. Mais non, là ou Chirac avait eu la bonne idée de perdre, il a fallu que Sarkozy gagne. Gagne quoi, au juste ?

Evanescente ministre des Sports, Mlle Yade est venue expliquer sur les ondes que pour une facture de même pas deux milliards d'euros (il faut construire ou rénover dix stades), on allait créer 15.000 emplois, dont 4.500 permanents. Admettons que les emplois permanents consomment la moitié du budget. On est à plus de 220.000 euros par emploi créé. C'est la logique «économique» de la TVA à taux réduit pour la restauration: trois milliards de manque à gagner chaque année pour le fisc, contre 40.000 créations d'emploi, fictives pour une large part.

Et d'ailleurs de quels emplois «permanents» s'agit-il ? De gardiens de stades qui accueilleront tout au plus deux rencontres de l'Euro 2016 et pour le reste de leur longue existence, le public famélique des prestations du FC Strasbourg (150 millions budgétés pour une nouvelle arène) en Ligue Un. Du riche Japon (Coupe du Monde 2002) au pauvre Portugal (Euro 2004), les grands messes du ballon rond ont semé la planète d'éléphants blancs, dont l'entretien des gradins obstinément vides plombent pour des décennies les budgets de collectivités locales que l'on entend pourtant pleurer misère. En France, certaines d'entre elles, qui n'ont pas eu l'honnêteté de se désister (Nantes l'a fait), tendent déjà la sébile à un Etat impécunieux («en faillite» dirait François Fillon).

Sans surprise, Mlle Yade nous a fait également miroiter les formidables retombées touristiques liées à l'événement. C'est pour le moins sujet à caution. Dans bien des cas, la perspective de se heurter à des hordes de braillards éméchés, coiffés de chapeaux ridicules et déguisés en panneaux publicitaires, a fait fuir le visiteur ordinaire. Ce fut le cas au Portugal en 2004 où le bilan touristique s'est avéré négatif. Au passif, il faut inclure les dépenses considérables de sécurité liées au caractère pacifique et civilisé bien connu d'une partie des supporteurs. Dépenses assumées par le contribuable, comme la mise en place des infrastructures, alors que l'essentiel des recettes directes va dans les proches profondes de la FIFA et de l'UEFA, qui font main basse notamment sur les droits de retransmission télévisuels. Il n'y a pas que les banquiers qui savent socialiser les pertes et privatiser les bénéfices!  

Bien audacieux dans un pays où le football est une des trois religions officielles (avec Fatima et le fado), un ancien ministre portugais des Finances a proposé récemment de raser certains des stades construits pour l'Euro 2004 (le Portugal battu en finale par...la Grèce !) afin de soulager le fardeau des municipalités. Il y a une meilleure solution: ne pas les construire et laisser Messieurs Blatter et Platini aller planter leur cirque ailleurs.

 

Publié initialement sur Orange.fr, le 1er juin 2010 ,auteur Philippe Ariès

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  • L'archipélien
  • Le monde est dangereux non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire” Einstein.
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